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Social connectedness and generosity – Do Good Institute – Janvier 2024 (article en FR)

Publié le 20.02.2024

Quelle est la relation entre générosité et lien social ? Les liens sociaux ont-ils un effet sur le don d’argent et le don de temps ? A l’inverse, la générosité a-t-elle un effet sur l’engagement social et civique des donateurs ? C’est à ces questions que le second volet du rapport du Do Good Institute pour la Generosity Commission apporte des réponses.

Le rapport de recherche “Social connectedness and generosity : A look at how associational life and social connections influence volunteering and giving (and vice versa)” est le second volet de l’étude sur la générosité américaine du Do Good Institute pour la Generosity Commission. Dans la continuité de ses travaux avec Robert T. Grimm Jr sur les déterminants du don et du bénévolat aux Etats-Unis, dont vous pouvez lire la synthèse ici, Nathan Dietz étudie les effets des liens sociaux des individus sur leur générosité, et inversement.

 

Méthodologie : Comme pour le premier volet de l’étude sur la générosité aux Etats-Unis, les résultats présentés sont issus d’analyses statistiques effectuées sur le Current Population Survey (CPS), une enquête officielle réalisée par le gouvernement américain. Afin de pouvoir étudier l’interaction entre don d’argent et de temps et lien social, Nathan Dietz s’appuie sur différents suppléments à cette enquête :

  • Le supplément sur le bénévolat qui a été réalisé de façon régulière entre 2008 et 2015
  • Le supplément sur l’engagement civique qui a été réalisé de façon régulière entre 2008 et 2013
  • Le supplément sur le vote qui est réalisé chaque année paire depuis plusieurs décennies

L’enquête CPS est représentative de la population américaine, avec près de 90 000 répondants représentants 60 000 foyers américains. Notons que les résultats portant sur des individus ayant répondu à plusieurs suppléments portent sur des échantillons plus petits et sont donc moins représentatifs de la population américaine.

Les données issues du CPS permettent d’analyser les déterminants du don et du bénévolat au niveau micro – c’est-à-dire au niveau des caractéristiques des individus et de leur ménage – ainsi qu’au niveau macro – c’est-à-dire au niveau des caractéristiques de leur lieu d’habitation, notamment au niveau des états. Rappelons ici que les Etats-Unis sont un état fédéral composés de 52 états fédérés.

Nathan Dietz reprend donc le même modèle statistique d’analyse des déterminants du don et du bénévolat que dans le rapport « Understanding generosity » et y ajoute des variables mesurant les liens sociaux des individus. Il explore ainsi l’effet de ces variables sur le don.

 

L’effet des liens sociaux sur la générosité des individus

Les données de l’enquête CPS permettent à Nathan Dietz d’analyser trois formes de lien social :

  • La participation à un groupe
  • Le niveau d’interaction des individus avec leurs proches
  • Leur niveau de confiance

Afin d’assurer la pertinence statistique de son analyse, l’auteur étudie d’abord individuellement l’effet de chacune de ces formes de lien social sur la générosité, puis il regarde l’effet de l’ensemble de ces liens sociaux sur les comportements de dons et de bénévolat.

 

A) Participer à des groupes augmente-t-il les comportements de dons et de bénévolat ?

La participation à des groupes est mesurée à l’aide d’une question dans l’enquête CPS dans laquelle il est demandé aux répondants si, dans les 12 derniers mois, ils ont participé à un des groupes suivants :

  • Un groupe scolaire, de voisinage ou une association communautaire
  • Une organisation civique
  • Une organisation de loisir ou sportive
  • Une église, une synagogue, une mosquée ou toute institution ou organisation religieuse sans comptabiliser la présence des répondants aux services religieux
  • Autres types d’organisation

Afin d’analyser l’effet de la participation à des groupes sur les comportements de dons et de bénévolat, l’auteur intègre cette variable dans les modèles de don et de bénévolat tels qu’ils ont été construits dans le premier rapport.

Dans un premier, l’auteur étudie uniquement l’effet d’avoir participé à au moins un groupe l’année précédente sur les comportements de dons d’argent et de bénévolat de l’année en cours. Le modèle prédit que la participation à un ou plusieurs groupes l’année précédente a un effet positif sur le bénévolat et sur le don. Cet effet est plus fort sur le bénévolat que sur le don.

Néanmoins, les différents groupes étudiés dans l’enquête CPS sont très différents et peuvent donc avoir des effets distincts sur le don et le bénévolat. Ainsi, Nathan Dietz étudie l’effet de la participation à chacun de ces groupes l’année précédente sur les comportements de dons et de bénévolat de l’année en cours.

Type de groupe Effet sur le bénévolat Effet sur le don
Groupe scolaire, de voisinage ou association communautaire 10.8% 6.7%
Organisation civique 11.6% 7.4%
Organisation de loisir ou sportive 8.1% 3.6%
Eglise, synagogue, mosquée ou autre institution ou organisation religieuse 12.3% 12.4%
Autres types d’organisation 14.2% 7.4%
Source : Dietz, N. 2024. “Social connectedness and generosity: A look at how associational life and social connections influence volunteering and giving (and vice versa).” Research report: Do Good Institute, University of Maryland – Traduit et adapté par l’auteur

C’est la participation à des groupes religieux qui a le plus d’effet sur les comportements de don et de bénévolat en augmentant la probabilité d’être donateur de 12.4% et celle d’être bénévole de 12.3%. A l’inverse, la participation à une organisation de loisir ou sportive semble moins prédire les comportements de don et de bénévolat que la participation aux autres types de groupes.

Notons aussi des écarts importants des effets de la participation à un groupe sur le don et le bénévolat. Ainsi, le fait d’avoir participé à un groupe scolaire, de voisinage ou à une association communautaire augmente la probabilité d’être bénévole de 10.8% tandis qu’elle n’augmente la probabilité d’être donateur que de 6.7%.

 

B) Avoir des interactions récurrentes avec ses proches augmente-t-il les comportements de dons et de bénévolat ?

Les interactions avec les proches sont mesurées par trois questions dans le supplément du CPS sur l’engagement civique :

  • Lors d’un mois type l’an dernier, combien de fois avez-vous pris votre dîner avec des membres de votre foyers (chaque jour, quelques fois par semaine, quelques fois par mois, une fois par mois, pas du tout) ?
  • Lors d’un mois type l’an dernier, combien de fois avez-vous parlé avec un de vos voisins (chaque jour, quelques fois par semaine, quelques fois par mois, une fois par mois, pas du tout) ?
  • Lors d’un mois type l’an dernier, combien de fois vous et vos voisins vous êtes-vous rendus des services (garde d’enfants, prêt de matériels, etc.) ?

A l’aide de ces trois variables, l’auteur construit un indicateur afin de mesurer le niveau d’interactions sociales des individus.

L’ajout de cet indicateur sur les modèles de bénévolat et de don a un effet de faible amplitude sur ces comportements : l’augmentation de 1% du niveau d’interaction d’un individu avec ses proches augmente sa probabilité de donner de 1.8% et sa probabilité d’être bénévole de 1.7%. L’effet des interactions sociales est donc bien plus faible que celui de la participation à un groupe.

Comme pour la participation à des groupes, l’auteur regarde ensuite l’effet de chacun de ces types d’interaction sur les comportements de dons et de bénévolat.

Type d’interaction Effet sur le bénévolat Effet sur le don
Prendre ses repas avec une personne du foyer 3.2% 13.2%
Parler avec ses voisins 8.9% 8.6%
Rendre des services à ses voisins 11.6% 10.2%
Source : Dietz, N. 2024. “Social connectedness and generosity: A look at how associational life and social connections influence volunteering and giving (and vice versa).” Research report: Do Good Institute, University of Maryland – Traduit et adapté par l’auteur

Le fait de rendre services à ses voisins a un effet important à la fois sur le bénévolat et sur le don puisqu’il augmente la probabilité d’être bénévole de 11.6% et celle d’être donateur de 10.2%.

 

C) Avoir confiance en ses voisins augmente-t-il les comportements de dons et de bénévolat ?

Le niveau de confiance est mesuré dans le supplément du CPS sur l’engagement civique par la question suivante : De manière générale, diriez-vous que vous faites confiance à tout le monde, à la majorité des personnes, à quelques personnes ou à aucune personne de votre voisinage ?

L’auteur intègre cette variable dans les modèles de don et de bénévolat, et les résultats suggèrent que les personnes qui ont confiance en leurs voisins ont plus de chance de donner du temps et de l’argent. Ainsi, une hausse de 1% de la variable de confiance augmente la probabilité d’être bénévole de 6.3% et celle d’être donateur de 7.6%.

 

D) Finalement, comment les liens sociaux des individus déterminent-ils la générosité de ces derniers ?

Nathan Dietz intègre finalement ces trois mesures des liens sociaux simultanément dans les modèles de don et de bénévolat.

L’intégration simultanée des trois mesures prédit que le niveau d’interaction et le niveau de confiance des individus n’a pas – ou plus – d’effet sur le don et le bénévolat. Seule la participation à un ou plusieurs groupes a un effet positif sur ces comportements. Autrement dit, il semblerait que les personnes qui ont confiance en leurs voisins et qui ont souvent des interactions avec leurs proches ont plus de chances d’appartenir à un ou plusieurs groupes, et que ceux qui appartiennent à un ou plusieurs groupes ont une plus grande chance d’être bénévoles et/ou donateurs.

Ces liens sociaux semblent donc s’influencer mutuellement et favoriser la participation à un ou plusieurs groupes. C’est ce dernier aspect des liens sociaux des individus qui déterminent leurs comportements de dons et de bénévolat.

 

La générosité a-t-elle, elle aussi, une influence sur l’engagement social et civique ?

Dans une seconde partie du rapport, l’auteur s’interroge sur l’influence du don et du bénévolat sur les autres formes d’engagement civique. L’objectif de cette partie est de démontrer que le bénévolat et le don renforcent la société civile.

Cette partie, d’avantage exploratoire et qui méritera d’être affinée dans le cadre de futures recherches, soulève plusieurs résultats intéressants. Il semblerait ainsi que le fait d’être bénévole ou donateur augmente la probabilité de rejoindre un groupe, toutes choses étant égales par ailleurs, de 24.4% pour les bénévoles et 9.9% pour les donateurs. Par ailleurs, Nathan Dietz étudie l’effet de la générosité sur les comportements électoraux grâce au supplément de l’enquête CPS sur le vote. Les résultats montrent que le fait d’être bénévole et/ou donateur a un impact positif sur la décision de voter, toutes choses étant égales par ailleurs.

 

Cette étude ouvre de nombreuses pistes de recherche et questionne sur la transposabilité de ces résultats dans le contexte français. Il semblerait qu’il y ait un ensemble d’interactions sociales qui amènent les individus à des comportements généreux : d’abord au sein de leur cercle proche, puis au sein de leur voisinage et enfin au sein de groupes plus larges. C’est cette dernière étape qui les amène réellement au don et au bénévolat. Ce processus semble s’apparenter au passage entre différents niveaux d’identités sociales dont nous avons déjà parlé lors du Colloque de France générosités 2022 et dans le dossier rédigé par l’équipe de France générosités pour JurisAssociations en 2023.

Par ailleurs, plusieurs études récentes en France semblent confirmer des interactions similaires entre lien social et générosité, notamment les études portant sur le rôle de l’entourage familial comme déterminant du don et sur les systèmes de valeurs des donateurs. La seconde partie du rapport du Do Good Institute pour la Generosity Commission offre de belles perspectives de recherche, et interroge sur l’effet de la générosité sur la cohésion sociale.

 

Lucy Lucy PFLIGER
Ingénieure d’études

 


Pour accéder à l’étude complète : dogood.umd.edu/research-impact/publications/social-connectedness-and-generosity-look-how-associational-life-and

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