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Understanding generosity in the United States – Do Good Institute – Novembre 2023

Publié le 05.12.2023

Quels sont les déterminants du don d’argent et du don de temps aux Etats-Unis ? Comment ces enseignements peuvent-ils éclairer la crise actuelle que connaît la générosité aux Etats-Unis ? Focus sur les enseignements issus d’un récent rapport de recherche du Do Good Institute.

 

Genèse et intention de cette recherche

Le rapport de recherche “Understanding generosity : A look at what influences volunteering and giving in the United-States” (ci-après nommé “Understanding generosity”) synthétise l’analyse statistique réalisée par Nathan Dietz et Robert T. Grimm Jr sur les déterminants du don et du bénévolat aux Etats-Unis.

Les auteurs dressent dans un premier temps deux constats, émanant d’observation de terrain et de la littérature académique. Tout d’abord, ils rappellent que différents rapports récents annoncent une crise de la générosité aux Etats-Unis qui se caractérise par :
– La baisse des montants donnés aux associations en 2022 après correction de l’inflation, pour la troisième fois seulement depuis 40 ans ;
– La baisse de la part de la population effectuant des dons depuis le début des années 2000 ;
– Et la baisse du taux de bénévolat depuis le début des années 2010.

Pour accompagner les structures du secteur non-lucratif face à cette crise, les auteurs proposent de revenir aux origines de la générosité en en comprenant les déterminants. Ils constatent néanmoins que la recherche académique sur la question du don et du bénévolat rencontre des difficultés à décrire les motivations des donateurs et bénévoles, et encore plus à appuyer ses hypothèses sur des observations statistiques.

Dans ce rapport, Nathan Dietz et Robert T. Grimm Jr proposent donc de rassembler cette littérature et d’analyser sur une large base de données représentative de la population américaine les déterminants du don et du bénévolat.

Méthodologie et singularité de ce rapport

Les résultats présentés dans ce rapport sont issus d’analyses statistiques effectuées sur le Current Population Survey (CPS), une enquête officielle réalisée par le gouvernement américain, et plus spécifiquement sur le supplément « bénévolat » à cette enquête qui a été réalisé de façon régulière entre 2008 et 2015. Le CPS est représentatif de la population américaine, avec près de 90.000 répondants représentants 60.000 foyers américains.
Les données issues du CPS permettent d’analyser les déterminants du don et du bénévolat au niveau micro – c’est-à-dire au niveau des caractéristiques des individus et de leur ménage – ainsi qu’au niveau macro – c’est-à-dire au niveau des caractéristiques de leur lieu d’habitation, notamment au niveau de l’Etat. Rappelons ici que les Etats-Unis est un état fédéral composé de 52 Etats fédérés – ci-après nommés « Etat ».

L’apport de cette recherche effectuée par Nathan Dietz et Robert T. Grimm Jr est donc multiple :
– Elle utilise les données les plus récentes du CPS (de 2010 à 2015) ;
– Elle analyse des données à la fois au niveau micro et macro, dont des variables jamais étudiées au niveau macro ;
– Elle utilise le même modèle statistique pour estimer les déterminants du don et du bénévolat, permettant ainsi pour la première fois de comparer les facteurs influents ces deux formes de générosités.

 

Les déterminants du don et du bénévolat au niveau micro

Dans un premier temps, le rapport analyse en détail les déterminants du don et du bénévolat au niveau micro – c’est-à-dire au niveau des caractéristiques des individus et de leur ménage.

Ces variables reflètent donc les caractéristiques socio-démographiques des donateurs et bénévoles que nous pouvons distinguer en 3 catégories : les caractéristiques des donateurs et bénévoles (leur sexe, leur éducation, leur âge), les variables liées aux contraintes budgétaires et/ou de temps (leurs revenus, leur lieu de vie et leur participation sur le marché du travail) et enfin les variables liées à leur insertion dans le tissu social américain (statut matrimonial, statut parental).

Les caractéristiques des donateurs et bénévoles américains

Les auteurs analysent les caractéristiques socio-démographiques classiques des donateurs et des bénévoles américains, notamment leur sexe, leur niveau d’éducation, et enfin leur âge.

– En cohérence avec les nombreuses études existantes sur le sujet, les femmes ont plus de chances de donner (7.6%) et d’être bénévoles (6.3%) que les hommes.
Le niveau d’éducation est le plus fort prédicteur du bénévolat dans l’ensemble des variables étudiées. Les diplômés de l’enseignement supérieur ont 19.4% de chances de plus d’être bénévole, et 32.5% de chances de plus d’être donateurs.
– Enfin, le taux de bénévoles et de donateurs dans la population est particulièrement important à partir de 65 ans. Cette observation est proche de ce que nous observons en France, avec un âge médian des donateurs à 62 ans (voir le Baromètre de la générosité vision donateur de France générosités).
– Le taux de donateur augmente de façon constante tout au long du cycle de vie. En revanche, le taux de bénévoles diminue fortement chez les 30-40 ans. Ce dernier point est certainement lié à la disponibilité des jeunes adultes, sujet largement abordé lors du Colloque annuel 2023 “(r)éveiller la générosité des actifs !” de France générosités.

Les contraintes budgétaires et/ou de temps

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de l’analyse des variables « participation sur le marché du travail » qui indique si les individus travaillent, et si oui à quelle fréquence ; « revenus annuels » et « lieu de vie ». En effet, ces variables sont des indicateurs des contraintes budgétaires et/ou de temps des individus, qui nous intéressent particulièrement lorsqu’on étudie les motivations des donateurs et des bénévoles. Une des premières sources de motivation du don d’argent et de temps étant la capacité des individus à le faire.

Les individus qui travaillent à temps partiel ont plus de chance d’être bénévoles que les personnes travaillant à temps plein, mais ont moins de chance de donner. Cela peut s’expliquer du fait que les individus travaillant à temps plein ont moins de temps disponible pour être bénévoles, mais ont certainement des revenus plus importants que les individus travaillant à temps partiel leur permettant ainsi d’être donateurs.
Les individus qui ont des revenus annuels plus importants (75.000$ ou plus) ont plus de chance d’être bénévoles et de donner que le reste de la population. Ce résultat est particulièrement intéressant puisque les autres études sur le don des plus riches ont tendance à souligner l’importance des montants donnés, mais tendent à conclure que la part de donateurs dans ces populations est plus faible. C’est par exemple ce que montre la dernière édition du Panorama national des générosités (cf. graphique 2).
– Les individus qui habitent en milieu rural ont plus 2.6% de chance de plus d’être volontaire que les individus qui vivent dans des milieux urbains, et 2.1% de chance de plus d’être volontaire que les individus qui vivent en périphérie des centres urbains. Les individus qui habitent en périphérie des centres urbains ont 2.3% de chance de plus de donner que les individus vivant dans des milieux ruraux.

Concernant cette dernière variable, il est difficile de comparer les résultats avec des données françaises car la ruralité et la vie citadine aux Etats-Unis sont très différentes des réalités françaises.

Les relations sociales

Parmi les variables étudiées, certaines variables peuvent être indicatrices du niveau d’interactions sociales des individus et donc plus généralement de leur intégration dans le tissu social. Ces variables sont le « statut matrimonial », et le « statut parental ».

Les parents (c’est-à-dire les individus qui vivent avec au moins un enfant de moins de 18 ans) ont plus de chance de donner et d’être bénévoles. C’est la seule variable qui a un effet plus fort sur le bénévolat (8.1%) que sur le don (4.4%).
– Les individus qui sont mariés et qui vivent avec leur époux ont plus de chance d’être donateurs et bénévoles que le reste de la population.
Ces résultats sont particulièrement intéressants au regard des récents enseignements sur le rôle de l’entourage familial comme déterminant du don et plus largement sur le lien entre don et cohésion sociale.

 

Les déterminants du don et du bénévolat au niveau macro

Les auteurs analysent également les déterminants du don et du bénévolat au niveau macro – c’est-à-dire les variables qui caractérisent la métropole ou l’Etat où vivent les donateurs et bénévoles américains.
Ces variables macro peuvent être regroupés en trois catégories : les variables descriptives du niveau de vie au sein de l’Etat, les variables mesurant les inégalités au sein de ces Etats et les variables qui caractérisent la vivacité du secteur philanthropique.

Quelles sont les caractéristiques des Etats où vivent les donateurs et/ou bénévoles ?

Différentes variables caractérisent le type d’Etats où vivent les donateurs et/ou bénévoles américains : « logement collectif » et « niveau d’éducation au sein de l’Etat ».

– Dans la littérature, il est souvent supposé que le fait de vivre en logement collectif décourage les individus à être bénévole car dans ce type de logement les liens sociaux seraient détendus. L’analyse de Nathan Dietz et Robert T. Grimm Jr confirme cette hypothèse : lorsque le pourcentage d’adultes vivant dans des logements collectifs est élevé, le taux de bénévoles dans l’Etat est plus faible. En revanche, cela n’a pas d’effet sur le taux de donateurs.
– Le niveau d’éducation au niveau macro a un effet positif à la fois sur la part de donateurs et sur la part de bénévoles dans la population. En revanche, l’importance de cet effet varie en fonction du niveau de diplôme. Le taux de personnes ayant un diplôme de l’enseignement supérieur semble avoir un effet plus fort sur le taux de donateurs et de bénévoles que le taux de personnes ayant un diplôme du secondaire.

Les inégalités : un déterminant du don d’argent et de temps ?

Les auteurs accordent une importance particulière à l’analyse des variables indicatrices du niveau d’inégalités puisque plusieurs études supposent que la hausse des inégalités est la cause de la crise de la générosité. Les variables indicatrices des inégalités sont : le « taux de pauvreté » et la variable « inégalité de revenus ».

– Bien que la partie micro nous enseigne que les individus les plus riches et les plus éduqués ont plus de chances d’être donateurs et/ou bénévoles, l’analyse macro montre que la part de donateurs et/ou bénévoles augmente lorsque le pourcentage de personnes vivant sous le seuil de pauvreté au sein de leur Etat augmente. Ces résultats suggèrent que les individus qui vivent dans un Etat avec une pauvreté répandue ont plus de chance de répondre à cet enjeu sociétal à l’aide de la générosité, toutes choses étant égales par ailleurs.
– La variable « inégalité de revenus » est un indice de Gini réalisé au niveau des Etats. Il semblerait que le niveau d’inégalité a un effet négatif sur la part de donateurs au sein de la population. En d’autres termes, le fait de vivre dans un Etat avec un fort taux d’inégalité diminue les chances d’être donateur. En revanche, le niveau d’inégalité n’a pas d’effet sur le fait d’être bénévole.

Ces résultats sont particulièrement intéressant puisqu’ils soulignent l’importance du contexte socio-économique dans les comportements des donateurs et bénévoles. Ces enseignements ne sont certainement pas sans lien avec la cohésion sociale et l’intégration sociale des individus, et mériteraient d’être creusés dans des études futures.

La vivacité du secteur philanthropique

Enfin, les auteurs analysent l’effet de la vivacité du secteur philanthropique sur la part de donateurs et de bénévoles au sein des Etats. Plusieurs variables sont analysées : la « prévalence de grands et petits OSBL » et le « capital social au niveau de l’Etat ». L’indice de capital social mesure l’engagement dans les organisations et dans les affaires publiques, l’importance du bénévolat, la sociabilité informelle et la confiance sociale au niveau des Etats.

– Les auteurs distinguent dans un premier temps les grands OSBL (ayant une recette annuelle brute supérieure ou égale à 50.000$) des petits OSBL. Ils mesurent ensuite l’implantation de ces deux types d’OSBL au sein de l’Etat. Leurs résultats montrent que la prévalence de petits OSBL a un effet positif uniquement sur la part de donateurs au sein de la population, et non pas sur la part de bénévoles. Autrement dit, la présence importante de petites structures philanthropiques augmente significativement le nombre de donateurs.
– Enfin, le niveau de capital social a un effet positif sur la part de bénévoles, et non pas sur la part de donateurs. Ce résultat n’est pas surprenant puisque l’indice de capital social mesure en partie l’engagement bénévole au sein de l’Etat.

 

Understanding generosity : quels enseignements ?

Ce rapport est riche d’enseignements par la diversité de variables qu’il étudie, et donc par son analyse quasi-exhaustive des déterminants du don. Plusieurs résultats semblent concorder avec des observations françaises et mériteraient d’être d’avantage étudiées. Notamment les relations sociales et plus largement le lien à la communauté qui semblent être déterminants dans la décision de donner de l’argent et/ou du temps. Le lien entre générosité et cohésion sociale paraît donc particulièrement important, et c’est sur ce levier que les structures doivent s’appuyer pour lutter contre la crise de la générosité.

 

Accédez au rapport complet “Understanding generosity : A look at what influences volunteering and giving in the United-States” – Do Good Institute – Novembre 2023 : ICI

 


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