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Nouveau Code du Mécénat : 5 questions à Wilfried Meynet

Publié le 21.11.2022

"La pratique du mécénat ne se réduit pas à deux articles du Code général des impôts relatifs à la réduction fiscale [...]" Quel est l’objectif de ce nouvel ouvrage ? N’est-il pas le signe d’un manque d’homogénéité du secteur ? Quels sont les enjeux à venir sur le mécénat ?

Wilfried Meynet et Naïma Moutchou viennent de sortir un nouvel ouvrage “Le Code du Mécénat”, un ouvrage collectif pour la collecte de fonds. Pour l’occasion, nous avons voulu poser 5 questions à Wilfried Meynet pour présenter ce nouveau guide indispensable que vous pouvez vous procurer par ce lien : boutique-dalloz.fr

  1. Quel est l’objectif de ce nouvel ouvrage ?
  2. A qui s’adresse ce code ?
  3. Ce code constitue un riche recueil des textes relatifs au mécénat ; n’est-il pas le signe d’un manque d’homogénéité et d’une complexité de la matière et donc de la nécessité de rendre les choses plus intelligibles ?
  4. Selon vous, quels sont les enjeux à venir sur le mécénat ? En tant qu’organisation d’intérêt général, en tant que mécène et en tant que secteur dans son ensemble.
  5. Qu’attendez-vous du présent quinquennat pour ce qui concerne le mécénat ?

Code du mécénat - Wilfried Meynet et Naima Moutchou rogné

Quel est l’objectif de ce nouvel ouvrage “Code du mécénat” ?

Depuis la loi « Aillagon », le mécénat est devenu une véritable matière transversale recoupant plusieurs domaines du droit, de la fiscalité et de la comptabilité. Dans le même temps, le mécénat est devenu l’une des sources principales du financement des projets d’intérêt général représentant 8,5 milliards d’euros en France en 2019. Le mécénat est donc appréhendé et utilisé par un nombre croissant de structures en recherche de financement mais également par des mécènes, personnes physiques ou morales.

Fort de ce constat, une des préconisations du rapport parlementaire pour une Philanthropie à la française corédigé par les députés Sarah El Haïry et Naïma Moutchou visait à réaliser un recueil de textes sur le mécénat. Dans cette perspective, le Code du mécénat a donc pour finalité de regrouper tous les textes juridiques, fiscaux et administratifs en lien avec le mécénat sous une approche pratique et pédagogique. Le Code du mécénat se veut être un outil au service des acteurs afin de les aider à structurer et à sécuriser les projets de collecte au service de l’intérêt général. A ce titre, il comprend en annexe un tableau comparatif des huit formes de fondations avec la forme associative.

Comme les textes et les pratiques évoluent, il n’est pas exclu que le Code du mécénat fasse l’objet de mises à jour et même de nouvelles éditions afin de demeurer un outil au service du secteur et de leurs acteurs.

 

A qui s’adresse ce Code du mécénat ?

Le code s’adresse aux acteurs en lien avec les différentes formes de mécénat comme les Fundraisers, personnes en charge de la collecte de mécénat, les personnes dirigeantes de structures (mandataires sociaux, directeur général, DAF…) en charge de collecter du mécénat (fondation, fonds de dotation, association…), les mécènes particuliers, les personnes œuvrant dans des structures (mandataires sociaux, directeur général, DAF, RAF, directeur de la communication…) en capacité d’être des mécènes ou encore les avocats, les notaires, les experts-comptables, les commissaires aux comptes ou les consultants. Le prix relativement faible de 25 euros permet également une diffusion au plus grand nombre étant rappelé que l’intégralité des droits d’auteurs ont été abandonné, sans limitation de durée, à l’Institut de l’Engagement.

 

Ce code constitue un riche recueil des textes relatifs au mécénat ; n’est-il pas le signe d’un manque d’homogénéité et d’une complexité de la matière et donc de la nécessité de rendre les choses plus intelligibles ?

La pratique du mécénat ne se réduit pas à deux articles du Code général des impôts relatifs à la réduction fiscale en cas de dons et nécessite de recourir à des dispositifs de droit des contrats, de droit des successions, de droit administratif ou encore de droit du travail. La générosité étant une opération protéiforme (don manuel, donation, legs, abandon de revenus…) sa traduction juridique et fiscale peut parfois être complexe. Par ailleurs, les opérations de mécénat font intervenir des personnes privées, des personnes physiques ainsi que des personnes publiques, ce qui nécessite à chaque fois des réponses légales ou réglementaires adaptées.

Pour toutes ces raisons, le mécénat envisagé comme discipline est par essence transverse et peut donner l’impression d’un manque d’homogénéité. Il en va de même pour d’autres disciplines comme le droit des associations ou encore le droit du sport.

Si une uniformisation globale ne semble pas possible et encore moins souhaitable, certains points particuliers mériteraient néanmoins un travail de simplification. On pourrait ainsi espérer une réduction du nombre de formes de fondations ainsi ramené à trois (fondation reconnue d’utilité publique, fondation sous égide et fondation simplifiée).

 

Selon vous, quels sont les enjeux à venir sur le mécénat ? En tant qu’organisation d’intérêt général, en tant que mécène et en tant que secteur dans son ensemble.

Les crises s’enchaînent et ont toutes un impact (positif ou négatif) sur la générosité des Français. En cette fin d’année 2022, de nombreuses associations et fondations, du fait de l’inflation, redoutent une baisse conséquente des dons dans une période traditionnellement propice à la générosité. Parfois fragilisées sur un plan économique, il est indispensable de ne pas rajouter des zones de doutes dans l’esprit des donateurs en remettant en cause la règle fiscale au titre du mécénat. Il y a donc une responsabilité du législateur mais également de l’exécutif et en particulier de l’administration fiscale, de ne pas amender ou modifier les textes relatifs au mécénat. Par le passé, le passage de l’ISF en IFI ainsi que la diminution de 60 % à 40 % de la réduction d’impôt sur les sociétés pour les entreprises grandes mécènes, même si ces modifications pouvaient être justifiées, ont eu des effets négatifs sur les dons des particuliers et des entreprises.

Il conviendra également de renforcer les règles de transparence des acteurs du mécénat nécessitant par exemple un accès plus facile, par tout un chacun, aux documents juridiques et comptables des structures collectrices. Il ne faut pas donner l’impression que le mécénat est une zone grise obscure dans laquelle évolue un « entre-soi philanthropique ». Le mécénat est un outil de citoyenneté exceptionnel qui permet à chaque contribuable d’orienter l’effort des finances publiques sur un ou plusieurs projets d’intérêt dont il se sent proche. Il faut donc continuer à promouvoir le mécénat auprès du plus grand nombre possible de particuliers et d’entreprises.

Dans le même temps, il revient à la sphère publique de mettre plus de moyens pour encadrer les pratiques de mécénat notamment en mettant en œuvre les nombreuses règles de contrôle existantes (sans en rajouter de nouvelles) afin de renforcer le caractère transparent du financement de l’intérêt général au travers de la générosité des Français. Les enjeux financiers et sociétaux portés par le mécénat sont trop importants et il ne faudrait pas qu’un scandale d’un des acteurs de la générosité vienne, comme par le passé, mettre à mal ce qui a été construit depuis presque 20 ans. Tous les acteurs du mécénat, y compris les administrations, sont collectivement responsables de la pérennité du mécénat ainsi que de l’adhésion du grand public à cette forme si innovante du financement de l’intérêt général.

En 2023, nous fêterons les 20 ans de la loi « Aillagon ». Au-delà de la célébration, il pourrait être opportun d’envisager des assises ou des états-généraux de la Générosité afin d’inventorier et analyser les bienfaits de cette loi mais également ce qu’il conviendrait d’améliorer. Ce travail collectif pourrait permettre de consolider les dispositifs du mécénat, d’envisager son développement et ses évolutions pour les prochaines années.

 

Qu’attendez-vous du présent quinquennat pour ce qui concerne le mécénat ?

Par déformation professionnelle, mes attentes sont avant tout juridiques et ont, pour certaines été déjà évoquées. Il est indispensable de sanctuariser certaines règles existantes mais également que le législateur se réapproprie certains pans du droit fiscal du mécénat. Notamment, la notion d’ « intérêt général », condition centrale pour l’éligibilité au mécénat, n’est définie que par la doctrine fiscale. Une notion d’une telle importance mériterait a minima un texte de loi. Par ailleurs, il conviendrait de simplifier et de sécuriser le quotidien des acteurs et en particulier des organismes bénéficiaires du mécénat. En particulier, un travail devrait être consacré à la définition par la doctrine fiscale des différents types d’activités éligibles au mécénat (familiale, social, culturel, sportive…). Certaines définitions sont lapidaires et/ou dépassées et/ou inopérantes. Toujours au sujet de la doctrine fiscale, il conviendrait de systématiser les rescrits généraux. En effet, ces textes expliquent pour différentes activités comment l’administration fiscale envisage l’assujettissement ou non aux impôts commerciaux (IS, TVA et CET) ou l’éligibilité ou non au mécénat. Cette généralisation permettrait aux acteurs et notamment aux associations, de mieux cerner les zones de risques et assurerait une plus grande uniformité territoriale quant à l’application des règles fiscales.

Ce nouveau quinquennat s’est ouvert avec la création d’un ministère unique pour la vie associative et l’économie sociale et solidaire rattaché à la Première ministre. On peut donc espérer des avancées significatives pour le secteur du mécénat. Le Haut-Conseil à la Vie Associative, instance de consultation placée également auprès de la Première ministre, dont j’ai l’honneur d’être membre, est d’ores et déjà impliqué sur nombreux des sujets évoqués pour apporter ses expertises.

 

Wilfried-Meynet Wilfried Meynet
Avocat Associé (Kelten Avocats) spécialisé en droit des associations/fondations et en droit du sport
Membre du bureau du HCVA

 

 

 

 

 


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