escalier de couleur

La philanthropie en Asie en 2050 : quel rôle sociétal ?

Publié le 16.05.2023

À quoi pourrait ressembler la philanthropie en Asie en 2050 ? Quels sont les 4 scénarios envisageables pour le futur de la philanthropie ?

Zoom sur les enseignements de la récente étude de l’Asia Philanthropy Circle, The Future of Asian Philanthropy. L’étude examine ce à quoi pourrait ressembler la philanthropie en Asie en 2050, et comment celle-ci pourrait être une force positive pour un avenir juste et durable pour tous. Même si l’Asie regroupe une diversité de pays, et par conséquent des réalités de philanthropie, cette étude apporte des éclairages intéressants à partir de quatre scénarios pour la philanthropie en Asie en 2050.

Les 3 forces motrices de l’avenir de la philanthropie 

Cette étude met en avant 3 forces motrices qui façonneront la trajectoire de la société et la manière dont la philanthropie fonctionnera dans la société. Les voici :

  1. La perception que l’Etat a de lui-même: Cette force est la façon dont l’État peut se considérer comme l’un des nombreux acteurs du développement de la société. L’Etat peut adopter une approche participative de gouvernance. Sinon, elle peut s’affirmer comme une force dominante de la société et être le seul décideur. L’idéal serait que la philanthropie trouve un rôle complémentaire en tant que collaborateur, plutôt que concurrent, du gouvernement.
  2. Les attitudes à l’égard des inégalités de richesses : La société peut critiquer les inégalités existantes et adopter des mesures transformatrices sous la forme d’impôts progressifs. Sinon, elle peut considérer l’inégalité comme inévitable. Cela entraînerait une concentration accrue des richesses et du pouvoir. Dans ce cas, le rôle de la philanthropie est de s’attaquer aux inégalités en comblant les fossés sociétaux et en mettant en avant la valeur d’une société égalitaire.
  3. Le degré de coopération sociétale: La coopération peut se développer entre les différentes parties de la société en raison de la confiance élevée et du partage ouvert entre elles. La philanthropie doit tirer parti de sa proximité unique avec le gouvernement, les entreprises et la communauté pour les amener à la table des négociations.

 

Les 4 scénarios pour la philanthropie en Asie en 2050

Ces 3 forces motrices peuvent déboucher sur 4 scénarios envisageables pour la philanthropie en Asie en 2050.

  1. « Asia Inc »

    La société se contente de son état actuel. Les entreprises consolident leur pouvoir et stimulent le développement. La philanthropie devient, dans ce cas, le domaine exclusif des personnes riches et des grands méga-conglomérats. Le don devient une affaire très médiatisée, étroitement liée aux passions personnelles et à l’identité des marques. La priorité absolue concernera moins l’impact social que les nouvelles incursions dans l’identité, l’espace ou la réalité virtuelle.

  2. « Bossy State »

    : La société est dominée par le gouvernement qui en supervise toutes les activités. Dans ce scénario, la philanthropie comprend toutes les ressources données et suivies dans le cadre de campagnes nationales. Ces campagnes sont supervisées par le gouvernement, suivies par des organisations et des canaux financiers contrôlés par l’État.

  3. « Land mine »

    : La société et l’Etat sont dans une lutte de longue date pour la voix et le pouvoir. Néanmoins, la nation reste appauvrie. La philanthropie comprend les fonds et les ressources que les groupes locaux utilisent pour soutenir leur communauté à la place des services gouvernementaux. Les ressources partagées, telles que les réserves alimentaires communes ou des fonds communs, sont organisées et distribuées par les communautés locales et leurs dirigeants. En raison de la grande méfiance entre les groupes sociaux, ces communautés collaborent rarement entre elles.

  4. « Social renaissance »

    : La société est devenue plus cohésive et s’efforce activement d’améliorer l’égalité et le bien-être collectif. Ce scénario est le plus positif de tous. La philanthropie consacre toutes les ressources au bien-être de la société. Ces ressources peuvent être du temps, de la propriété intellectuelle, du travail ou des fonds dédiés à la société. Le gouvernement joue un rôle plus important dans la redistribution des ressources et les entreprises adoptent une approche plus durable de la croissance. De ce fait, les besoins fondamentaux non satisfaits de la société diminuent. Néanmoins, les questions internationales tel que le réchauffement climatique persistent.

Les quatre scénarios dépendent du contexte du pays, de l’individu, des différents points de vue… Le rôle de la philanthropie est envisagé différemment selon les régions. Compte tenu de la diversité des nations en Asie, il n’y aura pas qu’un seul scénario. En effet, certains éléments des quatre scénarios se produiront.

Par exemple, la philanthropie chinoise s’est orientée vers un travail en parallèle du gouvernement au cours de la dernière décennie. Cela est dans le but de soutenir la réalisation d’objectifs ambitieux fixés par le gouvernement. Néanmoins, la collaboration avec le gouvernement reste un réel défi.

 

Que pense Hubert Chaminade, Consultant de Digital Fundraising pour UNICEF Viet Nam, de l’avenir de la philanthropie en Asie ? 

« Premier point, la mainmise du gouvernement et de l’administration sur le secteur philanthropique. A l’heure actuelle le fait même de pouvoir collecter auprès des particuliers pour une organisation qui n’est pas étatique n’est pas autorisé clairement. Même si le contexte semble s’assouplir légèrement, dans les faits, les seules organisations en droit de collecter sont des organisations d’État.

Deuxième point, les asiatiques du sud-est sont très habitués à voir les actions et les programmes des ONG et OI sur leur territoire. Par contre ils ne voient pas ces organisations comme ayant besoin de fonds. Ainsi, il leur paraît encore très étrange de devoir donner de l’argent à ces organismes. De plus, alors que l’entraide de proximité est très présente dans la tradition asiatique, chacun va venir en aide à sa famille, ses voisins, son quartier, donner de l’argent, qui plus est à un organisme extérieur pour qu’il aide d’autres personnes, n’est pas une pratique courante et peu dans les moeurs.

Le troisième point concerne le changement climatique qui ne semble pas faire partie des préoccupations majeures tel qu’il l’est en Europe. Ceci sans doute face au développement économique rapide que connaît la région, il est difficile de combiner conscience écologique et croissance économique débridée. Cependant l’Asie et en particulier l’Asie du Sud-Est est déjà une des zones  parmi les plus touchée par le dérèglement climatique. Il est donc probable, que dans les années à venir, les consciences s’éveillent sur le sujet.

Quatrième point, la technologie. L’Asie  a vu se développer très rapidement les nouvelles technologies, ayant rendu la population du Vietnam mieux connectée que la France. Les asiatiques sont parmi les premiers utilisateurs des technologies émergentes. D’ici 2050, on peut imaginer qu’avec l’émergence de technologies comme l’IA, la blockchain, les drones, et en parallèle le besoin croissant de transparence et de traçabilité des organismes caritatifs, le paysage philanthropique en Asie peut devenir très liés à ces technologies. 

Enfin, la dernière tendance que je verrais est l’émergence des nouvelles formes de philanthropie. Les donateurs cherchent ici aussi de plus en plus à s’engager dans des formes de philanthropie plus collaboratives et participatives, ce qui se rapproche plus de la tradition d’entraide locale, où les bénéficiaires ont une plus grande voix dans la conception et la mise en œuvre des programmes. Il faudra que les organismes caritatifs s’adaptent à cette tendance en Asie en particulier. »

Ipek Article écrit par :
Ipek Aykut
Chargée de communication junior

 


L’étude complète est disponible ici : https://asiaphilanthropycircle.org/future-of-asian-philanthropy/

Pour accéder au replay du webinaire : “Asia in 2050 : What role will philanthropy play ?”

Pour recevoir les études en avant-première, cliquez ici.

escalier de couleur inversé