NFT et philanthropie : 5 initiatives inspirantes

Si vous lisez ces lignes de cet article “NFT et philanthropie”, c’est que vous vous intéressez au sujet, et c’est une bonne chose car le marché des NFT, qui a rapporté 25 milliards de $ en 2021, n’a pas fini de faire couler de l’encre digitale. Mais avant toute chose, je vous propose une rapide incursion dans le jargon de ses early adopters.

Quelle est la différence entre NFT, blockchain, cryptomonnaies et web3 ?

Le web3 est la vision du futur d’internet. Là où la révolution du web2 portait sur la circulation de l’information avec pour résultat de nous déposséder de tout (nos données personnelles, notre identité numérique), celle du web3 porte sur la décentralisation du pouvoir et la réappropriation de nos données et actifs numériques.
Les cryptomonnaies sont le jeu de la poule et de l’œuf. Ces monnaies digitales, qui ne sont pas créées par des États et dont le transfert n’est pas organisé par les tiers de confiance que sont les banques, sont sujettes à la loi de l’offre et de la demande et sont donc très volatiles.
La blockchain est la technologie qui supporte le web3. Il s’agit du registre de propriété dans lequel sont enregistrées des transactions infalsifiables.
Les NFT (Non Fungible Token) sont des projets adossés aux cryptomonnaies dans des secteurs aussi variés que l’art, la mode, le luxe, les jeux vidéo. Ce sont des jetons cryptographiques stockés sur une blockchain, associés à un actif numérique (photo, vidéo..) et auxquels est attaché un certificat d’authenticité. Ils sont uniques et ne peuvent être reproduits.

Pour vous vulgariser les choses de manière très simple, prenez l’image d’une salade composée.

La blockchain, c’est le carnet dans lequel on note la recette
Les cryptomonnaies, ce sont les ingrédients qui permettent de créer la recette
Le NFT, c’est la recette en elle-même, unique et inimitable
Le web3, c’est la cuisine décentralisée dans laquelle la recette est préparée
Le grain de poivre dans la salade, c’est le “NFT bashing” qui a pris beaucoup d’ampleur et qui se cristallise autour de deux reproches:
- L’impact environnemental du NFT puisqu’il est inscrit sur la blockchain qui requiert une grande quantité d’énergie pour sécuriser les transactions
- Son caractère spéculatif puisque la capitalisation de certaines collections peut atteindre des milliards d’euros.

Si nous mettons la polémique de côté, force est de constater que les NFT déchaînent les passions. Nous ne nous sommes pas encore habitués à l’irrationalité à laquelle ces jetons nous confrontent alors que les frasques du marché de l’art ne nous surprennent plus. Une toile de Picasso qui s’envole à 103,4 millions de dollars est un record de vente. Un NFT d’art numérique vendu 69 millions de dollars est une ineptie. Ce n’est qu’une question de temps avant que l’on se fasse à l’idée que la dématérialisation n’est pas synonyme de déshumanisation.

Au contraire, depuis peu, la timide percée des cryptomonnaies dans le secteur philanthropique vient ajouter une nouvelle finalité aux NFT (après collectionner et fidéliser) qui est de faire le bien. Deux dons majeurs ont ouvert le bal de la NFT philanthropie. En mars 2021, Jack Dorsey a vendu un NFT de son premier tweet émis le 21 mars 2006 pour 2,9 millions de $ au profit du Fonds Give Directly’s Africa Response. En octobre 2021, un donateur anonyme a fait un don de 3,5 M d’Ethers à Médecins Sans Frontières Australie. Ce don correspond à 25% de la vente d’une collection d’œuvres NFT et demeure le plus important jamais enregistré.

Depuis, des ONG, collectifs et startups ont emboîté le pas. C’est parti pour un tour d’horizon des initiatives qui ont marqué la montée en puissance des NFT au service de la philanthropie.

1ère initiative NFT et Philanthropie : Patchworks Kingdoms

Pour son 75ème anniversaire, l’UNICEF s’est associé à la Data Artist Nadieh Bremer pour créer une collection de 1 000 NFT afin de soutenir la connectivité numérique des écoles sans accès à internet. L’ONG, qui a toujours une longueur d’avance dans l’utilisation des nouvelles technologies, s’est appuyée sur le machine learning pour mapper en temps réel les écoles à l’échelle du globe à partir d’images satellite, et y associer à chacune un code couleur représentatif de leur niveau de connectivité. Plus d’un million d’écoles ont déjà été identifiées sur les 6 à 7 millions estimées. Cette datavisualisation a permis aux gouvernements de chaque pays concerné de flécher l’allocation des ressources aux bons endroits et de servir de matière pour créer des NFT. Chacun est un “Patchwork Kingdom” illustrant la disparité de la fracture numérique entre les écoles connectées et non connectées.

Chaque carré représente une école. Le symbole qu’il renferme est choisi aléatoirement et comporte entre 2 et 4 niveaux de complexité. Plus la vitesse de connexion à internet est rapide et plus le symbole est complexe. Dans ce langage abstrait et géométrique, des fleurs se forment lorsque deux écoles avec une vitesse de connexion rapide ont été placées l’une au-dessus de l’autre par l’algorithme, et des arcs-en-ciel apparaissent lorsqu’elles sont placées côte à côte.

2. Meta History : Museum of War

Des experts ukrainiens en crypto et des artistes de premier plan se sont unis pour créer un musée NFT permettant de commémorer l’histoire de la guerre en Ukraine et de collecter des dons pour l’aide humanitaire. Chaque nouvel événement important de la guerre est interprété par un artiste puis transformé en NFT. 100% des revenus sont versés au Ministère de la transformation numérique du pays. Le soutien au président Vladimir Poutine a augmenté parmi les Russes après son invasion de l’Ukraine, adoubé à 83% selon le principal sondeur indépendant du pays. Ce NFT, vendu au prix de 0,15 ETH, est le fruit de ce fait d’actualité.

3. NFT et Philanthropie : #TogetherUkr

Le 15 avril 2022, un collectif d’une cinquantaine d’entrepreneurs de la French tech a organisé une vente caritative internationale de 25 000 NFT pour financer les actions humanitaires menées par #EnsembleUkraine, et soutenir les artistes ukrainiens. Le célèbre photographe Yann Arthus-Bertrand y a offert son premier NFT.

4. Cryptonimals

Cryptonimals est une collection de 900 NFT créés pour sensibiliser à la protection de 300 espèces animales en voie de disparition. Chaque espèce est représentée par une femelle, un mâle et un enfant pouvant être acquis gratuitement si l’utilisateur détient la femelle et le mâle de la même espèce. 50% de toutes les premières transactions sont reversés à Wildlife Conservation Network (WCN) et Sea Shepherd. Ces mêmes ONG perçoivent 5% des ventes secondaires.

NFT du Chevalier vert commun, un échassier de la grande famille des scolopacidae vendu au prix de 0,19 ETH ($312,40)

5. Projet Oregen

Dans la même veine, la startup Oregen propose des collections de NFT créés par des artistes professionnels et représentant une espèce menacée. La première collection lancée au printemps 2022 est consacrée aux chimpanzés. 70% des revenus générés sont reversés à une association partenaire luttant contre la disparition de l’espèce en question, ainsi que 2% sur chaque vente réalisée sur le marché secondaire.

Ces NFT sont l’œuvre du street artiste français A-MO qui a développé la technique du “paintag”.

NFT et philanthropie : The next fundraising things ?

Toutes ces initiatives ont eu lieu en l’espace d’un an seulement, ce qui laisse présager des développements prometteurs si la courbe d’adoption des cryptomonnaies suit celle de l’adoption d’internet. Une étude du Boston Consulting Group qui vient de paraître semble confirmer cette tendance en prédisant que le nombre de détenteurs de cryptos pourrait atteindre le milliard d’ici 2030.

Dès lors, comment le secteur philanthropique peut-il tirer parti de la prochaine vague crypto et plus spécifiquement des NFT ? Voici ce qu’il faut retenir:

La NFT philanthropie est capable d’aller chercher un nouveau public, plus jeune, amateur d’art, et préférant les actifs numériques décentralisés aux actifs fiduciaires centralisés
Elle comporte notamment deux avantages: la totale transparence du don et la possibilité d’assurer des royalties aux organismes soutenus à chaque revente
Le mécanisme de tokenisation qui consiste à matérialiser des actifs réels dans le monde digital ouvre la voie à une infinité de possibilités pour les organismes de s’aventurer dans les NFT à des fins de collecte de fonds et de sensibilisation. Les espèces menacées ont eu le vent dans les voiles en 2022 mais nous pourrions imaginer une collection de NFT basée sur la tokenisation du kit de survie d’un sans-abri ou des visages de la pauvreté.
Le défi majeur relatif à l’adoption de la NFT philanthropie sera la sensibilisation auprès des donateurs et plus particulièrement de la communauté des crypto-enthousiastes. Le Crypto Giving Tuesday organisé par The Giving Block, dont l’édition 2021 a permis de récolter 2,4 millions de dollars, est une première étape pour y parvenir. Plus près de nous en France, l’association Crypto4good propose 24h live de trading caritatif, un marathon aux allures d’un Z Event version crypto.

Article rédigé par Charlène Petit de FILantropio :

Charlène Petit est la créatrice de FILantropio, le premier podcast en français sur la philanthropie. A découvrir ici : filantropio.com

Pour en savoir plus sur l’expérience et l’expertise de Charlène Petit : linkedin.com/in/chpetit/