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Libéralités consenties aux membres des professions de santé : le Conseil constitutionnel confirme l’interdiction

Publié le 05.08.2022

Par une décision en date du 29 juillet 2022, le Conseil constitutionnel, interrogé sur la conformité des dispositions de l’article 909 du Code civil à la Constitution, valide l’interdiction pour un malade d’effectuer une libéralité au professionnel de santé qui le soigne.

 

Aux termes de l’article 909 du Code civil, « les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt ne peuvent profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu’elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de celle-ci. […]

Sont exceptées :

  1. Les dispositions rémunératoires faites à titre particulier, eu égard aux facultés du disposant et aux services rendus ;
  2. Les dispositions universelles, dans le cas de parenté jusqu’au quatrième degré inclusivement, pourvu toutefois que le décédé n’ait pas d’héritiers en ligne directe ; à moins que celui au profit de qui la disposition a été faite ne soit lui-même du nombre de ces héritiers. […] ».

En pratique, cela signifie qu’un malade pris en charge par un professionnel de santé ne peut consentir de don ou de donation ni de legs au profit dudit professionnel au cours de ses soins et dès lors qu’il décède des suites de sa maladie.

Ces dispositions ont été contestées devant le Conseil constitutionnel au motif qu’elles portent atteinte à la liberté de disposer librement de son patrimoine et donc au droit de propriété (défini par l’article 544 du Code civil et protégé par l’article 2 de la Déclaration des Droits l’Homme et du Citoyen).

Confirmant effectivement l’atteinte au droit de propriété, le Conseil constitutionnel rappelle toutefois que cette atteinte est justifiée par la « situation de particulière vulnérabilité » dans laquelle se trouve le donateur au regard de son état de santé.

 

En outre, le Conseil constitutionnel constate que cette interdiction est strictement limitée :

  • elle ne vaut que pour les libéralités consenties pendant le cours de la maladie et dont le donateur ou le testateur meurt ;
  • elle ne vise que les membres des professions médicales, de la pharmacie ainsi que les auxiliaires médicaux (visés par le Code de la santé publique) et « à la condition qu’ils aient dispensé des soins en lien avec la maladie dont est décédé le patient ».

 

Le Conseil constitutionnel en conclut que cette atteinte au droit de propriété d’une part est justifiée par un objectif d’intérêt général de protection des patients, d’autre part est proportionnée par rapport à cet objectif. Le Conseil constitutionnel décide donc que le premier alinéa de l’article 909 du Code civil est conforme à la Constitution.

Ces dispositions validées par le Conseil constitutionnel font écho à celles de l’article L. 116-4 du Code de l’action sociale et des familles. En 2021, le Conseil constitutionnel avait jugé que les dispositions de cet article interdisant à une personne bénéficiant d’une aide à domicile de gratifier ceux qui lui apportent, contre rémunération, des services à la personne à domicile étaient inconstitutionnelles dans la mesure où (i) il ne pouvait se déduire du seul fait que les personnes auxquelles une assistance est apportée sont âgées, handicapées ou dans une autre situation nécessitant cette assistance pour favoriser leur maintien à domicile que leur capacité à consentir était altérée, (ii) l’interdiction s’appliquait même dans le cas où pouvait être apportée la preuve de l’absence de vulnérabilité ou de dépendance du donateur à l’égard de la personne qui l’assiste (Décision n° 2020-888 QPC du 12 mars 2021).

 

En conclusion, les personnes morales, sociétés et associations notamment, exploitant des établissements de santé, sociaux ou médico-sociaux peuvent recevoir des libéralités entre vifs ou par voie testamentaire de personnes hébergées sous réserve de l’obtention d’une autorisation du préfet (article 910, I du Code civil). Cependant, l’interdiction subsiste pour les personnes physiques

  • propriétaires, gestionnaires, administrateurs ou employés des établissements médico-sociaux et pour les bénévoles ou volontaires qui agissent en leur sein ou y exercent une responsabilité (article L. 116-4 du Code de l’action sociale et des familles)
  • membres des professions médicales, de la pharmacie et auxiliaires médicaux (sous les conditions rappelées ci-avant, article 909 du Code civil).

 

Référence : Conseil constitutionnel, décision n° 2022-1005 QPC

 


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