escalier de couleur

Projet de loi séparatisme : d’une procédure accélérée vers une 2ème lecture ?

Publié le 22.04.2021

Point d'étape sur le Projet de loi confortant les Principes de la République avec les différentes dispositions en cours qui portent atteinte aux libertés associatives et augmentent un contrôle sans encadrement des organisations du secteur.

Ce 12 avril 2021, le Sénat a adopté en vote solennel le Projet de loi confortant les Principes de la République et de lutte contre le séparatisme. Ce projet de loi touche à trois lois fondamentales de la République : La loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat, la loi de 1901 sur la liberté d’association et la loi Ferry de 1882 qui consacre la liberté d’instruction. Alors qu’initialement c’est la procédure accélérée qui avait été engagée par le gouvernement le 9 décembre dernier, le projet de loi devrait finalement suivre la procédure ordinaire et ainsi être examiné en deuxième lecture à l’Assemblée nationale courant juin.

La procédure d’urgence (devenue procédure accélérée en 2008), permet au gouvernement d’abréger la discussion parlementaire d’un projet ou d’une proposition de loi. Alors qu’elle était destinée à rester une procédure exceptionnelle, elle s’est banalisée pendant le dernier quinquennat afin d’accélérer le travail parlementaire.

Nous pourrions nous féliciter en principe que compte tenu des enjeux du Projet de loi, le texte soit examiné de manière plus approfondie par les deux chambres lors d’une seconde lecture. Pourtant, l’examen en 1ère lecture au Sénat nous laisse en proie au doute. En effet, celle-ci a conduit à l’adoption d’un certain nombre d’amendements qui resserre encore davantage la liberté d’association (Article 6 et suivant). Les demandes pourtant légitimes du secteur de ne pas laisser à la main du pouvoir administratif la définition des principes de la République n’ont pas été entendues. Pas plus que celle d’encadrer les pouvoirs de l’administration fiscale en matière de contrôle des organisations faisant appel à la générosité du public (CF Edito de France générosités du 18 février 2021).

 

1/ Liberté associative

De la lecture des dispositions votées par les sénateurs, ressort les points suivants :

  • L’obligation pour les fondations et les associations qui souhaitent obtenir la reconnaissance d’utilité publique de respecter les principes du contrat d’engagement républicain (article 7 nouveau). Ledit contrat d’engagement républicain prévoit que doivent être respectés les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine, ainsi que les symboles de la République au sens de l’article 2 de la Constitution ; que ne soit par remis en cause le caractère laïque de la République ; et que la structure s’abstienne de toute action de nature à constituer une menace pour l’ordre public (article 6 nouvelle rédaction).
  • La reconnaissance d’utilité publique permet aux fondations et aux associations de ne pas être soumises aux dispositions de l’article 6 en ce qu’il prévoit la souscription d’un contrat d’engagement républicain pour obtenir une subvention. En revanche, les associations et fondations reconnues d’utilité publique peuvent se voir refuser ou retirer la subvention s’il apparaissait qu’après analyse de l’administration, elles ne respectaient pas les principes du contrat d’engagement républicain. Avec, notamment, pour conséquence le remboursement du montant de la subvention dans les 3 mois en cas de décision de retrait (article 6 nouvelle rédaction) ;

Sur les atteintes à la liberté associative que recouvre ce projet de loi, vous pourrez retrouver l’avis sans appel du Défenseur des droits ; la Tribune coordonnée par le Mouvement Associatif « Associations, présumée coupable » publiée dans le Monde du 18 janvier 2021 et la Tribune « Loi séparatisme : une grande atteinte aux libertés associatives » parue dans Libération le 21 janvier 2021.

 

2/ Dispositif de contrôle des organismes faisant appel à la générosité du public

Malgré un soutien de nombreux parlementaires, que nous remercions pour leur écoute lors de cette 1ère lecture, aucune des dispositions d’encadrement des pouvoirs de contrôle de l’administration fiscale demandées par France générosités (Loi Séparatisme – récapitulatif) n’ont été adoptées.

L’article 10 sur le contrôle de l’éligibilité au régime du mécénat est voté en l’état de la rédaction initiale mais avec un délai d’application supplémentaire demandée par le Rapporteur spécial sur les aspects fiscaux du texte, l’ancien président de la Commission des Finances, Albéric de Montgolfier. Soit :

  • Le report de l’entrée en vigueur de la disposition permettant le contrôle par l’administration fiscale de l’éligibilité au régime du mécénat par les organismes qui émettent des reçus fiscaux afin de permettre aux donateurs, personnes physiques ou morales, de bénéficier d’une réduction d’impôt au 1er janvier 2022 (article 10 II nouveau).
  • Le report de l’entrée en vigueur de l’obligation de déclaration du montant des dons et du nombre de reçus fiscaux par les organismes au 1er janvier 2022 (article 11 II A nouveau) ;

 

Nous pouvons également noter :

  • L’obligation faite à l’administration fiscale de signifier la perte de la possibilité de recevoir des legs et des dons donnant lieu à avantage fiscal en cas de condamnation pénale d’un organisme (article 12 II nouveau) ;
  • L’alignement des obligations imposées aux associations pour les fonds de dotation qui reçoivent des dons en numéraire et en nature des particuliers, des entreprises ou d’un Etat étranger notamment d’établissement d’un état séparé dans la comptabilité pour l’inscription de ces dons prévus à l’article 12 bis (article 12 ter nouveau) ;

 

Il y avait pourtant une bonne nouvelle lors de cette première lecture avec l’adoption d’une disposition portée par France générosités sur les biens mal acquis. Ainsi le projet de loi a introduit la possibilité d’attribution de la gestion des immeubles dits biens mal acquis aux FRUP, ARUP, associations répondant aux conditions de l’article 200 1 b du CGI ainsi qu’aux organismes qui concourent aux objectifs de la politique d’aide au logement désignés à l’article L. 365-2 du code de la construction et de l’habitat (il s’agit principalement des sociétés foncières ayant pour objet la construction, l’acquisition et la rénovation de logements à destination des personnes en difficulté). Pour plus de précisions : biens mal acquis. Cette disposition ayant été votée dans la loi pour une justice de proximité et ladite loi ayant été promulguée, la disposition « tombe » ainsi que cela était prévu (article 12 bis A nouveau). La disposition tombe mais la bonne nouvelle demeure.

France générosités et ses partenaires de la Coordination générosités restent mobilisés à vos côtés pour poursuivre le travail de conviction et d’alerte porté lors de la 1ère lecture auprès du gouvernement et des parlementaires.

 


Pour suivre l’avancée des débats sur le Projet de Loi, inscrivez-vous à notre newsletter en cliquant ici.

escalier de couleur inversé