Mécénat et parrainage : comprendre la frontière entre désintéressement et visibilité

Publié le 2 octobre 2025

Mécénat et parrainage, aussi appelé sponsoring, sont des notions qui sont parfois confondues. Il est vrai qu’elles impliquent toutes deux un soutien financier ou en nature apporté à un projet ou à une structure d’intérêt général. Pourtant, elles répondent à des logiques bien différentes, tant sur le plan juridique que sur le plan fiscal.

Le mécénat s’inscrit dans une démarche désintéressée : l’entreprise apporte son soutien sans attendre de contrepartie à un organisme d’intérêt général. A l’inverse, le parrainage repose sur une opération à but publicitaire : l’entreprise attend un bénéfice direct en termes d’images, de notoriété ou de visibilité.

Cette distinction est ainsi essentielle, en ce qu’elle détermine le traitement fiscal du soutien apporté, la nature de la convention à rédiger ainsi que les contreparties pouvant être accordées par l’organisme bénéficiaire. Retrouvez dans cet article un décryptage clair de ces deux dispositifs, pour vous permettre d’orienter vos pratiques avec justesse et d’éviter tout risque de requalification fiscale.

Le mécénat d’entreprise : un engagement désintéressé au service de l’intérêt général

 

Le mécénat financier

Le mécénat financier est la forme la plus courante de mécénat d’entreprise. Il s’agit d’un don d’argent pour soutenir un organisme ou une œuvre d’intérêt général. Ce don peut prendre la forme d’un don direct, d’un abandon de revenus, etc. Il est conseillé d’avoir recours à une convention de mécénat entre le mécène et l’organisme bénéficiaire, bien que celle-ci ne soit pas obligatoire.

Le mécénat en nature

Le mécénat en nature peut prendre la forme d’un don de bien, d’une prestation de services à titre gratuit ou encore d’une mise à disposition de locaux à titre gratuit. La valorisation du don en nature relève de la responsabilité du mécène, qui devra l’évaluer au prix de revient du bien ou de la prestation . Il est fortement recommandé d’avoir recours à une convention de mécénat pour sécuriser cette opération. Certaines formes de mécénat en nature, tel que la mise à disposition de locaux, devront cependant obligatoirement faire l’objet d’une convention.

Retrouvez plus de détails concernant le don en nature dans notre fiche pratique dédiée.

Le mécénat de compétences

Le mécénat de compétences est une forme de mécénat en nature, consistant pour une entreprise à mettre, sur leur temps de travail et avec leur accord, ses salariés à disposition d’un organisme d’intérêt général qui exerce à titre principal une ou plusieurs activités présentant un caractère prévu par l’article 238 bis du CGI.

Le mécénat de compétences peut être réalisé sous la forme d’une prestation de service à titre gratuit ou bien sous la forme d’un prêt de main d’œuvre à titre gratuit. Dans les deux cas, une convention de mécénat est obligatoire entre les parties.

Les contreparties au mécénat

Dans le cadre du mécénat, les contreparties sont en principe interdites. L’administration fiscale tolère l’octroi de contreparties à l’entreprise mécène, à condition qu’elles soient limitées et en disproportion marquée par rapport à la valeur du don. Ainsi, l’association du nom de l’entreprise mécène aux opérations réalisées par l’organisme bénéficiaire relève du mécénat si elle se limite à la mention du nom du mécène, à l’exception de tout message publicitaire et/ou à vocation commerciale.

Retrouvez plus de détails concernant les contreparties au mécénat dans notre fiche pratique dédiée.

Traitement fiscal et comptable du mécénat d’entreprise

Les dons de mécénat ouvrent droit, pour les entreprises mécènes, à une réduction d’impôt de 60% du montant de leur don jusqu’à 2 millions d’euros, puis 40% du montant du don pour la fraction dépassant 2 millions. Les dons n’étant pas fiscalisés, ils ne sont pas soumis à la TVA. Vous pouvez retrouver le détail du régime fiscal du mécénat dans notre article dédié.

Pour l’OSBL bénéficiaire, les dons sont comptabilisés comme des recettes non lucratives, en tant que « ressources liées à la générosité du public ».

Le parrainage : un soutien motivé par la recherche de visibilité

Le parrainage peut être défini comme le « soutien matériel apporté à une manifestation, à une personne, à un produit ou à une organisation en vue d’en retirer un bénéfice direct ». Les dépenses engagées dans le cadre d’opérations de parrainage sont donc destinées à promouvoir l’image de marque de l’entreprise en vue d’obtenir une retombée commerciale directe grâce à une visibilité accrue sous forme de publicité (BOI-BIC-CHG-40-20-40, §190 et arrêté du 6 janvier 1989 relatif à la terminologie économique et financière).

Le parrainage est assimilé à une opération de communication commerciale ou publicitaire, contrairement au mécénat qui découle d’une intention libérale.

Les contreparties au parrainage

Dans le cadre du parrainage, l’entreprise attend des contreparties d’image dont la valeur est en rapport direct avec le montant de son versement. La retombée d’image doit être quantifiable et proportionnée au versement initial. Les dépenses engagées seront donc assimilables à des charges de communication engagées dans l’intérêt direct de l’entreprise lorsque :

  • l’identification de l’entreprise qui entend promouvoir son image de marque dans le cadre du parrainage est assurée. Peu importe à cet égard le support qui permet cette identification (affiches, annonces de presse, effets médiatiques, etc.) ;
  • les dépenses engagées sont en rapport avec l’avantage attendu par l’entreprise.

 

En théorie, s’il est attendu que l’avantage reçu au titre des dépenses de parrainage soit équivalent aux dépenses engagées, il est toléré, dans le cadre d’un parrainage réalisé au bénéfice d’une structure d’intérêt général, que les avantages reçus ne soient parfaitement équivalents.

Cependant, ils devront tout de même conserver une relative proportionnalité, faute de quoi l’opération pourrait être requalifiée de mécénat. En effet, l’entreprise doit être en mesure de justifier que les sommes engagées ne sont pas excessives au regard des retombées d’images attendues. Cette justification résulte de l’analyse des circonstances de fait et de l’application des critères doctrinaux et jurisprudentiels existants (article 39 du CGI et BOI-BIC-CHG-10-10).

Traitement fiscal et comptable du parrainage

Sous réserve du respect des conditions précitées, les sommes versées au titre d’un parrainage peuvent ouvrir droit à une déduction du bénéfice imposable. La déduction des charges vient ici réduire l’assiette du calcul de l’impôt, contrairement à la réduction d’impôt liée au mécénat qui permet une réduction de l’impôt dû.

Comptablement, les recettes issues d’un parrainage seront comptabilisées comme des ressources lucratives. L’OSBL souhaitant signer un contrat de parrainage devra préalablement s’assurer de sa possibilité de bénéficier de tels fonds au vu de sa situation fiscale.

Choisir entre mécénat et parrainage : des repères pour s’orienter

Si le mécénat et le parrainage répondent à des logiques en théorie très différentes — l’un relevant du don et l’autre d’une démarche commerciale — la frontière entre les deux peut, dans la pratique, s’avérer difficile à tracer. Plusieurs critères permettent toutefois d’orienter le choix de manière éclairée.

Évaluer les objectifs de communication et les contreparties envisagées

En cas de doute, il sera essentiel d’analyser les attentes de l’entreprise partenaire, en particulier en matière de communication et de visibilité.

Si l’entreprise attend des contreparties importantes, qui dépassent le simple remerciement ou la mention de son nom (par exemple : installation d’un stand, présence sur scène, organisation d’une table ronde à son nom, diffusion massive de son logo ou de messages valorisants), ou si son objectif principal est manifestement d’accroître sa notoriété, même de manière implicite, l’opération relève du parrainage.

À l’inverse, le mécénat implique une intention désintéressée de la part du donateur. Une certaine visibilité peut être offerte au mécène, à condition qu’elle reste discrète, sans visée publicitaire. On parle alors de « signature » du don : mention du nom ou du logo dans un rapport d’activité, un carton d’invitation, un programme ou un kakémono, etc.

En cas de doute sur la nature de l’opération : privilégier la sécurité

Le risque principal en cas de mauvaise qualification est la remise en cause, pour l’entreprise, de l’avantage fiscal reçu et, pour l’OSBL, de l’émission du reçu fiscal. En effet, si l’administration considère qu’il s’agissait en réalité d’une opération commerciale, non seulement l’entreprise devra rembourser le montant de la réduction fiscale dont elle aura bénéficié, mais également l’OSBL bénéficiaire pourrait être sanctionné s’il est démontré qu’il a sciemment délivré un reçu fiscal permettant à l’entreprise de bénéficier d’un avantage fiscal indu. Pour en savoir plus sur cette possibilité de sanction, vous pouvez vous référer à notre fiche pratique dédiée au contrôle des reçus fiscaux par l’administration fiscale.

Le jeu n’en vaut donc pas forcément la chandelle, a fortiori lorsque l’impact fiscal pour l’entreprise demeure limité. Si la réduction fiscale est un mécanisme légèrement plus avantageux que la déduction fiscale des charges d’exploitation, en pratique, la différence demeure relativement minime et aura un impact moindre que celui de voir l’OSBL sanctionné, avec les conséquences financières et d’image que cela peut impliquer.

Par exemple, en prenant comme référence une entreprise ayant un chiffre d’affaires de 250 000€, voici un exemple très simplifié de la différence fiscale entre les deux mécanismes :

  • Pour un mécénat de 10 000€ :
    • Assiette de l’impôt : 250 000
    • Calcul de l’impôt dû : 250 000 x 25% = 62 500
    • Impôt final dû : 62 500 – (10 000 x 60%) = 56 500 €

 

  • Pour un parrainage de 10 000€ : 
    • Assiette de l’impôt : 250 000 – 10 000 = 240 000
    • Calcul de l’impôt dû : 240 000 x 25% = 60 000
    • Impôt final dû : 60 000 €

 

Selon la situation, il peut donc s’avérer plus prudent, dans le doute, de considérer l’opération comme un sponsoring, même si cela suppose des obligations supplémentaires pour l’organisme bénéficiaire (facturation, TVA, etc.).

Ne pas mélanger mécénat et parrainage dans une même opération

Il est fortement déconseillé de panacher mécénat et sponsoring dans le cadre d’un même projet ou d’un même événement. Ce type de montage hybride, souvent tentant pour satisfaire tous les objectifs d’un partenaire, présente un risque élevé de requalification globale de l’opération en activité commerciale.

Dans ce cas, l’ensemble des fonds perçus pourrait être requalifié comme recette commerciale, y compris les dons initialement traités comme du mécénat. En matière de fiscalité, le doute ne bénéficie jamais à l’intérêt général : dès lors qu’une part commerciale est identifiée, elle peut « contaminer » l’ensemble de l’opération.

Don d’espace publicitaire, un encadrement juridique spécifique : l’exemple du sport

Le sport constitue un terrain d’engagement fort, au croisement de nombreuses valeurs d’intérêt général : solidarité, éducation, santé, vivre-ensemble, inclusion, ou encore écologie. Il n’est donc pas rare que des athlètes s’engagent aux côtés de causes ou d’organisations à but non lucratif, en mettant leur notoriété au service de l’intérêt général.

Mais attention : si l’intention est louable, le montage juridique et financier de ce type de partenariat doit être rigoureux. Le respect du cadre fiscal et légal est essentiel pour sécuriser l’ensemble des parties prenantes (entreprises, athlètes et OSBL).

Ce qu’un organisme d’intérêt général ne peut pas faire

Un OSBL ne peut pas collecter de fonds pour financer directement un ou une athlète, même si ce.tte dernier.e soutient une cause d’intérêt général. En effet :

  • Le financement des activités d’un sportif professionnel est lucratif par nature ;
  • Les dons ne doivent pas bénéficier à un cercle restreint de personnes, ce qui est le cas si l’OSBL reverse des fonds à un ou une athlète en particulier.

 

Sont donc à proscrire les montages où l’OSBL sert d’intermédiaire en recevant des fonds d’une entreprise, afin d’émettre un reçu fiscal avant de reverser une partie des fonds à l’athlète au titre d’un parrainage ou d’une autre forme de prestation déguisée.

Ce qu’il est possible de faire : un don d’espace publicitaire

Un partenariat vertueux peut néanmoins être mis en place, à condition de respecter une séparation nette entre les activités commerciales (parrainage de l’athlète) et les activités d’intérêt général (soutien à l’OSBL). Voici un exemple de montage sécurisé et licite :

1. L’athlète crée sa propre structure commerciale

L’athlète peut créer une entreprise pour porter son projet sportif et contractualiser avec des sponsors.

2. Une entreprise sponsorise l’athlète via sa structure

L’entreprise intéressée parraine la structure de l’athlète : cette dernière émet une facture pour une prestation de service clairement valorisée.

Par exemple : une entreprise A sponsorise une skippeuse pour sa participation à une course de voile à hauteur de 10 000 €. Le contrat prévoit l’affichage du logo de l’entreprise sur la voile, en grande taille (valeur estimée : 8 000 €) et sur la coque du bateau, en petite taille (valeur estimée : 2 000 €). L’entreprise de la skippeuse émet une facture commerciale correspondante.

3. L’entreprise décide de faire un don d’espace publicitaire à un OSBL

L’entreprise peut ensuite décider de renoncer à une partie de la visibilité achetée et d’en faire bénéficier une structure d’intérêt général.

Dans notre exemple : l’entreprise conserve son logo sur la coque du bateau (valeur 2 000 €), mais offre l’espace publicitaire sur la voile à un OSBL de son choix (valeur 8 000 €).

L’OSBL peut alors apposer son logo sur la voile, ce qui correspond à un don d’espace de visibilité de la part de l’entreprise. Comme il bénéficie de ce don en nature, il peut émettre un reçu fiscal à hauteur de la valorisation de ce don, soit 8 000 € dans l’exemple.

4. Avantage fiscal pour l’entreprise

L’entreprise peut alors bénéficier du régime fiscal avantageux prévu pour l’opération de parrainage et l’opération de mécénat. Il conviendra toutefois d’être vigilant à ne pas appliquer un double avantage fiscal sur une même somme. L’athlète bénéficie d’un parrainage entier et permettant tant à son sponsor qu’à un OSBL de bénéficier d’une belle visibilité. L’OSBL bénéfice d’un don d’espace publicitaire, lui permettant de mettre en avant ses activités sans avoir à engager des frais de communication.

Dans notre exemple, l’entreprise sponsor peut donc bénéficier :

  • D’une déduction de charges à hauteur de 2 000 € correspondant à la visibilité qu’elle conserve (logo sur la coque), dans le cadre du parrainage,
  • D’une réduction d’impôt de 60 % du montant du don, soit 4 800 € au titre du mécénat, pour les 8 000 € d’espace offerts à l’OSBL.