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« Lucrativité par contamination » : conséquences des relations privilégiées entre une association et une entreprise

Publié le 09.11.2022

Transposant la jurisprudence et la doctrine administratives applicables en matière d’impôt sur les sociétés (IS), le Conseil d’Etat estime qu’une association doit être assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dès lors qu’elle offre un avantage concurrentiel à son partenaire économique dans le cadre d’une relation privilégiée.

Dans quelles conditions la relation entretenue par une association avec un professionnel peut-elle remettre en cause la non-lucrativité de son activité ?

Dans cette affaire, l’association Club des Piou-Piou de Valmorel Doucy, qui propose des cours d’initiation au ski pour les enfants, estimait être exonérée de la TVA, en application de l’article 261, 7-b du code général des impôts. Selon l’association, les deux conditions prévues par cet article étaient remplies, caractérisant ainsi la non-lucrativité de son activité :

  1. Une gestion désintéressée, l’association n’étant pas à la recherche de profit au travers de ses activités et ses dirigeants n’étant pas rémunérés ;
  2. L’absence d’opérations analogues couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales dans la même zone géographique, les prix pratiqués par les moniteurs de l’association étant inférieurs à ceux pratiqués par les mêmes moniteurs dans le cadre des cours particuliers dispensés en dehors du cadre de l’association.

Cependant, dans son arrêt du 17 octobre 2022, le Conseil d’Etat en a jugé autrement, s’appuyant sur la notion de « lucrativité par contamination » pour conclure au caractère lucratif de l’activité de l’association et en déduire son assujettissement à la TVA.

Cette décision nous permet de faire le point sur les conditions dans lesquelles la lucrativité par contamination à vocation à s’appliquer et sur ses conséquences fiscales pour l’organisme concerné.

Le mécanisme de la lucrativité par contamination a été consacré par la doctrine et la jurisprudence administratives en matière d’IS. Il prévoit qu’un organisme à but non lucratif doit être assujetti à l’impôt sur les sociétés s’il entretient des relations privilégiées avec des organismes du secteur lucratif qui en retirent un avantage concurrentiel (BOI-IS-CHAMP-10-50-10-30).

L’avantage concurrentiel est caractérisé dès lors que le professionnel retire de manière directe de sa relation avec l’association une économie de dépenses, un surcroît de recettes ou de meilleures conditions de fonctionnement, et ce, quand bien même l’organisme ne rechercherait pas de profits pour lui-même.

Le Conseil d’Etat consacre dans cette affaire le principe de lucrativité par contamination et le transpose à la TVA. Il relève, à cet effet, plusieurs indices démontrant l’existence d’une relation privilégiée entre l’association et les moniteurs et d’un avantage concurrentiel pour ces derniers :

  1. Les moniteurs de ski sont des membres de l’association (relation privilégiée) ;
  2. Les moniteurs exercent leur activité à titre commercial et sont soumis à la TVA (caractère lucratif de l’activité des membres de l’association) ;
  3. L’association facilite l’exploitation commerciale de l’activité des moniteurs, leurs prestations sont rémunérées et elle leur apporte une clientèle (avantage concurrentiel).

Il ressort de ces éléments que l’association, même si elle ne cherche pas à réaliser de profits pour elle-même, a pour objet de faciliter l’exploitation commerciale de ses membres (les moniteurs). L’activité de l’association doit ainsi être qualifiée de lucrative et être assujettie à la TVA au même titre que l’activité commerciale des moniteurs à qui l’association fait appel.

Le fait que les cours de ski dispensés aux enfants seraient moins rémunérateurs en moyenne pour les moniteurs que leurs cours particuliers est indifférent dès lors que l’existence de relations privilégiées est établie.

Il convient de relever que cette solution n’interdit pas à une association d’entretenir des relations avec une entreprise ou un professionnel du secteur lucratif. En effet, la doctrine fiscale précise que la relation privilégiée avec les entreprises doit s’apprécier au regard du fonctionnement global de l’organisme à but non lucratif et de l’avantage qu’en retirent les entreprises en question. Si l’organisme réalise à titre accessoire des prestations au profit d’entreprises, cela ne suffit pas à caractériser la nature privilégiée des relations organisme-entreprises et ne permet pas d’assujettir l’ensemble de l’organisme aux impôts commerciaux.

Référence : Conseil d’État, 9ème – 10ème chambres réunies, 17 octobre 2022, requête n°453019

 

 


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Sarah Sarah BERTAIL
Responsable juridique et fiscale chez France générosités.
anouk Anouk MARCHALAND,
Collaboratrice juridique et fiscale chez France générosités.

 

 

 

 

 

 

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