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Association européenne : une nouvelle proposition de la Commission européenne 

Publié le 08.11.2023

Suite à l’appel à contribution fin 2022 (auquel France générosités a répondu), la Commission a publié une proposition de directive le 5 septembre 2023 relative aux associations transfrontalières européennes. 

1. Un peu d’histoire[1]

On le rappelle, le projet d’association européenne ne date pas d’hier mais ce projet date des années 80. Après le dépôt en 1984, par le député européen Louis Eyraud d’une résolution sur « La mission, l’administration et la réglementation des associations dans les Communautés européennes », la présidente Nicole Fontaine publie en 1987 un rapport intitulé « les associations à but non lucratif » qui recommande notamment d’examiner la possibilité d’un cadre légal pour un statut européen pour les associations européennes. S’en suit un avis du Parlement européen qui invitait la Commission à présenter une proposition de règlement relative au statut de l’association européenne. Cette proposition s’inscrivait, avec celle relative aux coopératives, aux fondations et aux mutuelles, dans un ensemble comportant les principales formes d’organisations de l’économie sociale.

Diverses initiatives parlementaires ont ensuite été portées et notamment une proposition de règlement du Conseil portant statut de l’association européenne, largement inspirée des lois française et belge de 1901 et 1921. Cependant, cette proposition, inscrite dans un ensemble comprenant notamment le statut de la société commerciale européenne et celui des coopératives, est restée sans suite durant une quinzaine d’années pour des raisons politiques (difficile de se mettre d’accord sur tous ces sujets).

En 2000, un espoir ressurgit avec le sommet de Nice qui permet le déblocage de ces différents statuts et aboutit en 2001 au statut de société européenne[2] puis en 2002 au statut des coopératives européennes[3]. Rien sur les associations en revanche malgré la mobilisation de la société civile et du Conseil économique et social européen (CESE).

En 2020, le Parlement européen adopte une résolution sur la création d’un mécanisme de l’Union pour la démocratie, l’état de droit et les droits fondamentaux[4].

Puis, la Commission européenne présente en décembre 2021, son plan d’action pour l’économie sociale qui se décline en trois axes :

  1. Créer les conditions propices à l’essor de l’économie sociale par une adaptation de la fiscalité, des marchés publics et des aides d’Etat aux besoins de l’économie sociale ;
  2. Ouvrir aux organisations de l’économie sociale des possibilités pour démarrer et se développer ;
  3. Veiller à ce que l’économie sociale et son potentiel soient reconnus.

Profitant de cette dynamique en faveur du secteur, le Parlement adopte en février 2022, suivant le rapport du député Lagodinsky, une résolution contenant des recommandations à la Commission sur un statut pour les associations et organisations à but non lucratif européennes transfrontalières.

Prenant acte des difficultés rencontrées par les associations menant des activités dans plusieurs Etats membres de l’Union européenne et de l’importance des associations dans la promotion de la démocratie et dans le développement de l’économie sociale, le Parlement proposait deux textes :

  • un règlement relatif au statut de l’association européenne
  • une directive relative à des normes minimales communes pour les organisations à but non lucratif au sein de l’Union.

Conformément à la procédure législative ordinaire prévue par le Traité, la Commission a lancé un appel à contribution et une consultation publique en octobre 2022. France générosités a ainsi contribué aux réflexions et certains membres ont répondu à la consultation publique.

Après analyse des réponses et réalisation d’une étude d’impact, la Commission a publié une proposition de texte le 5 septembre 2023.

 

2. Ce que contient la proposition de la Commission

L’objectif de la directive est de faciliter l’activité des associations transfrontalières européennes (ATE) – en anglais European cross-border association (ECBA).

Il convient de noter que la base légale de cette directive est l’article 50 et l’article 114 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). L’objectif affiché de cette directive est donc effectivement de faciliter la liberté d’établissement et de circulation des associations ainsi que d’arrêter des mesures relatives au rapprochement des dispositions légales, réglementaires et administratives des Etats membres pour ce qui concerne le fonctionnement du marché intérieur. La directive ne parle donc pas de fiscalité.

L’intérêt d’une telle base légale est que le texte pourra être adopté dans le cadre de la procédure législative ordinaire (majorité simple[5]).

Il s’agit d’une proposition de directive qui ne crée pas un nouveau statut européen mais qui vise à introduire dans les droits nationaux une nouvelle forme juridique d’associations qui ont des activités transfrontalières. Il s’agira donc d’adapter le droit national pour intégrer les caractéristiques fixées par la directive que nous précisons ci-après (principe de la « transposition »).

 

Des définitions structurantes

La proposition de directive pose notamment deux définitions importantes à l’article 2 :

  • « but non lucratif », « indépendamment du fait que les activités de l’association soient de nature économique ou non, le fait que les bénéfices ne sont utilisés que dans la poursuite des objectifs de l’ATE tels qu’ils sont définis dans ses statuts et ne sont pas distribués entre ses membres »
  • « association à but non lucratif », « une entité juridique établie en vertu du droit national qui repose sur un système d’adhésion, qui a une finalité non lucrative et qui dispose de la personnalité juridique ».

 

Caractéristiques de l’association transfrontalière européenne

Selon le texte de la proposition, l’ATE est une entité juridique :

  • fondée sur l’adhésion;
  • constituée par la volonté d’au moins trois fondateurs : les fondateurs peuvent être des personnes physiques citoyennes européennes ou résidentes européennes ou des personnes morales à but non lucratif dont le siège social est établi dans l’Union européenne ;
  • qui poursuit un but non lucratif conformément à la définition rappelée ci-dessus ;
  • qui prévoit dans ses statuts qu’elle exerce (ou exercera) ses activités dans au moins deux Etats membres et/ou qu’elle comprend des membres fondateurs ayant des liens avec au moins deux Etats membres ;
  • dont le siège social est situé dans un Etat membre.

On l’aura compris, ne peuvent prétendre à la qualification d’ATE les associations dont les activités sont purement nationales.

Comme dans la proposition initiale du Parlement, sont exclus du champ d’application de cette proposition de directive les syndicats, les organisations religieuses et les partis politiques.

 

Fonctionnement de l’association transfrontalière européenne

Comme indiqué précédemment, les règles applicables à l’ATE seront les dispositions nationales applicables à des organisations similaires. La base légale choisie par l’Etat membre devra être déclarée à la Commission. On suppose que pour la France ce sera la loi de 1901 sur les associations.

L’ATE acquerra la personnalité juridique et la capacité juridique lors de son enregistrement dans un Etat membre, enregistrement qui sera reconnu dans tous les Etats membres et qui permet donc à l’ATE de disposer de la personnalité morale dans tous les Etats membres.

Pour être enregistrée, l’ATE doit fournir les informations suivantes :

  • dénomination sociale,
  • statuts qui comprennent des dispositions obligatoires : nom, objet social et indication du but non lucratif, informations personnelles sur les membres fondateurs, siège social, liste des actifs, règles d’admission, d’exclusion et de retrait des membres, droits et obligations des membres, composition et fonctionnement de l’organe décisionnel et de l’organe exécutif, règles de vote, procédure de modification des statuts, procédure de dissolution et liquidation ;
  • adresse du siège socail,
  • les noms et adresses des personnes habilitées à représenter l’ATE dans ses relations avec des tiers et en justice,
  • l’accord écrit des membres fondateurs ou le procès-verbal de la réunion constitutive de l’ATE contenant un tel accord
  • une déclaration des membres de l’organe exécutif attestant qu’ils n’ont pas été déchus de la qualité de membre du conseil d’administration dans les organismes comparables d’associations à but non lucratif ou de sociétés.

Les Etats membres ne peuvent exiger plus de documents ou d’informations et doivent enregistrer l’ATE dans un délai de 30 jours. Un registre sera établi à cet effet.

Après l’enregistrement, un certificat sous format numérique ou papier est transmis à l’ATE à titre de preuve d’enregistrement. Ce certificat sera le même dans chaque Etat membre.

S’agissant de la gouvernance de l’ATE, elle s’appuie sur

  • un organe délibérant du type de l’assemblée générale d’une association
  • et un organe exécutif du type du conseil d’administration d’une association composé d’au moins 3 membres citoyens européens ou dont le siège social est situé dans l’Union européenne.

Chaque membre de l’ATE dispose d’une voix.

Enfin, la proposition de directive fixe les règles en matière de dissolution. Celle-ci peut être volontaire ou involontaire (décision administrative ou judiciaire). En cas de boni de liquidation, celui-ci pourra être versé à une entité ayant un objet similaire ou à une autorité locale qui sera alors tenue de l’utiliser pour le même objet.

 

Intérêt et avantages de la proposition de directive

La proposition de directive contient tout un chapitre sur les droits des ATE et les restrictions interdites.

L’intérêt principal est qu’une ATE créée dans un Etat membre sera reconnue dans l’ensemble des Etats membres. Elle pourra changer de siège social au sein de l’Union européenne, sans dissolution ni création d’une personne morale nouvelle.

Par ailleurs, la directive rappelle le principe d’égalité de traitement : une ATE sera traitée comme une organisation nationale. Comme indiqué ci-dessus, seules certaines informations peuvent être exigées pour l’enregistrement. La directive rappelle également le principe de la non-discrimination ce qui implique qu’un Etat membre ne pourra pas refuser la création d’une ATE pour des motifs liés à l’âge, au sexe, à la religion, à l’opinion politique ou à l’origine.

Enfin, l’accès libre et sans discrimination aux financements publics et privés est réaffirmé.

 

3. Et après ?

Cette proposition de directive fait l’objet d’un appel à contribution avant le 1er janvier 2024 auquel France générosités va participer.

Après analyse des contributions, cette proposition doit être soumise au Parlement. Compte tenu du renouvellement des députés européens en juin 2024, la proposition ne devrait pas être discutée avant cette date. Après adoption par le Parlement, cette proposition sera transmise au Conseil (procédure législative ordinaire). Une fois adoptée, les Etats membres disposeraient d’un délai de deux ans pour la transposer dans leur droit interne.

France générosités suit avec ses partenaires français (Mouvement Associatif, Centre français des Fonds et fondations) et européens (EFA) le devenir de cette proposition avec attention.

 

Sarah Sarah Bertail
Directrice juridique et fiscale

 

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[1] Pour plus d’informations : podcast sur l’association européenne [A écouter ici]

[2] Règlement (CE) n°2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001 relatif au statut de la société européenne (SE)

[3] Règlement (CE) n°1435/2003 du Conseil du 22 juillet 2003 relatif au statut de la société coopérative européenne (SEC)

[4] Résolution du 7 octobre 2020, 2020/2072 (INI)

[5] Articles 231 et 291 du TFUE

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