De la science à la sanction : délivrance irrégulière de reçus fiscaux
Publié le 07.05.2025
Une association a été sanctionnée pour avoir délivré des reçus fiscaux sans être d'intérêt général et a dû régler une amende.
Sous couvert d’une mission pédagogique autour des sciences et de la nature, une association organisant des séjours scientifiques a franchi les limites de la légalité fiscale. En délivrant sciemment des reçus fiscaux sans être d’intérêt général, elle s’est exposée à une sanction au titre de l’article 1740 A du Code général des impôts. Cette jurisprudence, bien que sans surprise, est un excellent rappel de la méthode d’analyse in concreto menée par les juges, permettant de caractériser l’élément intentionnel de l’émission de reçus fiscaux permettant à un contribuable d’obtenir un avantage fiscal indu, élément nécessaire à l’application de l’article 1740 A du CGI.
Les faits :
Une association, ayant pour objet le développement de l’éducation aux sciences et de la recherche scientifique, organisait des séjours scientifiques dits de « recherches participatives solidaires » en France et dans le monde. L’association demandait un versement aux participants pour prendre part à ces séjours. Elle qualifiait ces versements de « don » et émettait à ce titre des reçus fiscaux.
L’administration fiscale, puis le tribunal administratif, ont considéré cependant que ces versements n’étaient pas des dons permettant la délivrance de reçus fiscaux, ce que l’association ne semblait pas ignorer. Elle a ainsi été sanctionnée au titre de l’article 1740 A du Code général des impôts.
L’association a contesté l’application de cette sanction au motif qu’elle n’avait pas sciemment émis de reçus fiscaux. Elle se considérait, de bonne foi, comme étant d’intérêt général, se fondant notamment sur un rescrit positif délivré à une association membre du même réseau international. L’association considérait donc qu’elle pouvait émettre des reçus fiscaux. L’article 1740 A du CGI n’aurait donc pas vocation à s’appliquer.
Analyse de la Cour :
La Cour d’appel a procédé à une analyse in concreto des pratiques de l’association. Elle a notamment relevé que les séjours étaient présentés sur son site internet comme des « colonies de vacances scientifiques ». Les participants avaient des « comptes clients », à partir desquels ils pouvaient choisir entre différents séjours ainsi que différentes prestations supplémentaires, comme une navette entre la gare et le site du séjour ou une assurance annulation. L’émission d’un reçu fiscal était également utilisée comme argument commercial sur leur site internet.
Par ailleurs, l’analyse des comptes de l’association a mis en lumière l’existence de deux comptes intitulés « contributions volontaires » et « libéralités ». Ces deux derniers comptes correspondaient à des sommes versées par des personnes, sans contrepartie directe liée à la participation à un séjour.
La Cour a ainsi retenu, qu’au vu de l’analyse des faits et de sa comptabilité, il était évident que l’association maîtrisait la notion de « don » et ne pouvait ignorer que le versement des sommes perçues pour l’achat de séjours et de prestations annexes ne pouvait constituer des dons ouvrant droit à réduction fiscale. La Cour souligne, non sans ironie, que l’association rappelait sur son site internet qu’un don devait s’effectuer sans contrepartie directe, tout en mettant en avant des séjours scientifiques dont le prix aurait été déductible des impôts.
Ainsi, il a été retenu que l’association avait sciemment émis des reçus fiscaux permettant aux participants d’obtenir des réductions fiscales indues et s’est vue imposer une amende au titre de l’article 1740 A du CGI.
Source : CAA de BORDEAUX, 4ème chambre, 24/04/2025, 23BX01948